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 Pourquoi j'ai mangé mon père

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Réanimateur Vixoun'

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MessageSujet: Pourquoi j'ai mangé mon père   Pourquoi j'ai mangé mon père EmptyMar 3 Avr - 3:17

La vie d'une tribue d'Homo erectus du Pléistocène nous est conté par Roy Lewis, journaliste et sociologue anglais.

La découverte du feu, les conflits politiques et l'application de l'exogamie ne sont que quelques détails de cette aventure rocambolesque que le chef de cette tribue, Edouard mène tant bien que mal dans le dessein de faire évoluer son espèce.
Mise à part la vision créationiste de l'évolution dirigée dans le but d'atteindre un but ultime : l'émergence de l'espèce Homo sapiens, vision que je combats farouchement, ce livre est très bien documenté et d'un humour très anglais.

Bien que souvent obsolète au regard des connaissances scientifiques actuelles — Il fut publié pour la première fois en 1960 — ce livre est un bon ouvrage de vulgarisation comme il en faudrait davantage pour le public non-scientifique.


Le narrateur est un fil du chef de tribue Edouard dont je viens de vous parler. "Père" est donc cet Homo erectus hors du commun.
Roy Lewis a écrit:
Pourquoi, se demandait père, n'avait-il pas conduit son peuple dans des régions moins infestées ? Oh, ce n'était pas faute d'y avoir réfléchi. Mais où alors ? [...] Retour aux arbres, comme nous pressait de le faire l'oncle Vania ? Malgré ses dires, Vania lui-même y trouvait de moins en moins de quoi nourrir son homme, à plus forte raison toute une horde. De plus, il semblait impensable à père de sacrifier des millénaires d'évolution et d'industrie paléolithique, pour repartir de zéro en pauvres singes arboricoles. Notre grand-père, disait-il, se serait retourné dans sa tombe, laquelle se trouve à l'intérieur d'un crocodile, si son fils avait trahi tout l'effort de sa vie. Non, nous devions rester, et nous servir de notre tête.

Comme vous l'aurez peut-être senti, l'oncle Vania est un réactionnaire qui refuse toute idée de progrès. Il est contre la domestication du feu mais ne crache pas sur un jaret d'antilope braisé. Voici un dialogue entre Vania et Edouard pour vous figurer les conflits politiques.
Roy Lewis a écrit:
— Tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, dit oncle Vania d'un ton hargneux, en se reculant un peu sur son derrière.
— D'ailleurs, continua père, sommes-nous déjà sortis de la nature, comme tu le prétends ? Pourquoi le feu ne serait-il pas une forme d'adaptation, exactement comme la girafe allongeant son col, ou le cheval conglutinant ses doigts de pied ? Suppose que la glace descende jusqu'ici. Cela prendrait des siècles à me faire repousser une fourrure. Et d'autres siècles à m'en débarrasser ensuite, quand le climat se réchaufferait. [...] En attendant le feu fait bien l'affaire, dit-il, on peut à volonté réduire la chaleur ou l'augmenter. C'est de l'adaptation, ça, donc de l'évolution, seulement nous y arrivons beaucoup plus vite, un point c'est tout.
— Voilà ! Voilà l'erreur ! ô misérable prétention d'homme que tu es ! s'écria oncle Vania. De quel droit accélérer les choses ? De quel droit pousser à la roue, au lieu de te laisser conduire ? Tu veux bousculer la nature, mais sois tranquille, elle ne se laissera pas faire. Un jour tu t'en apercevras !
— Mais bon sang, dit père indigné, n'est-ce pas la même chose ? Plus vite ou plus lentement, où est la différence ?
— La différence, cria l'oncle Vania, c'est que c'est une vitesse démentielle ! Vouloir faire en un an, ce qui devrait prendre des milliers, des millions d'années — à supposer, ce qui me semble hautement improbable, que ce soit cela qui doive se réaliser. Personne n'est fabriqué pour vivre à ce rythme infernal ! Ne me rebats pas les oreilles avec ton évolution, Edouard, et d'ailleurs, ce n'est pas à toi de décider ni si ni comment tu dois continuer d'évoluer. Je vais te dire ce que tu es vraiment en train de faire, Edouard : des pieds et des mains pour sortir de ta condition. Et cela, outre que c'est vulgaire, petit-bourgeois, bassement matérialiste, j'ai le profond regret de t'avertir que c'est dénaturé, rebelle, outrecuidant et sacrilège. Allons, vas-y, dit-il sur le ton de perfidie caustique, dis-nous la vérité : tu t'imagines être en train d'engendrer une espèce tout à fait nouvelle, n'est-ce pas ?
— Ben, dit père mal à l'aise, l'idée m'est passé par la tête qu'il pourrait...
— Je le savais ! s'écria victorieusement oncle Vania. Edouard, je lis en toi comme dans... dans un... eh bien, je sais exactement ce que tu as dans le crâne. Et c'est de l'orgueil. L'orgueil coupable de la créature ! Je te répète : tu en seras puni, rappelle-toi mes paroles ! tu as perdu ton innocence, et contre quoi ? Qu'as-tu gagné ? Je vais te le dire : l'ignorance !

Edouard décide que l'endogamie, c'est terminé.
Roy Lewis a écrit:
— Les types s'accouplent toujours avec leurs soeurs, appuya Oswald, c'est ce qui s'est toujours fait !
— Peut-être, mais c'est fini, dit père avec gravité. Ici commence l'exogamie.
— Mais p'pa, c'est contre nature ! insistai-je. Tous les animaux font comme ça. Même si de temps en temps une bête s'aventure hors de sa bande...
— Quoi, c'est idiot, dit Oswald, voilà nos filles qui sont sur place, alors que les autres...
— Sont maintenant plus près, en l'occurence, dit père. C'est pourquoi je vous ai amenés ici.
— Mais bon sang, p'pa, m'écriai-je, pourquoi nous donner tout ce mal ? Qu'est-ce qui cloche avec nos filles à nous ?
— Rien ne cloche, dit père, mais il faut maintenant mélanger un tantinet les gènes. Et puis surtout, vos soeurs, c'est un débouché trop facile pour vos libidos. Si nous voulons le moindre développement culturel, il faut que l'émotion individuelle ait la tension d'un stress. Bref, il faut qu'un jeune homme quitte le toit familial, se cherche une compagne, la courtise, la capture et se batte pour elle. Sélection naturelle.
Ce sont surtout ces deux derniers mots qui m'ont fait conserver cet extrait. Quoi qu'il en soit, les fils d'Edouard même courroucés à ce moment-là le remercieront plus tard en découvrant l'ivresse de l'amour.


Et voici comment il est possible de supprendre l'amour.
Roy Lewis a écrit:
Tandis que les femmes reprenaient entre elles leur babil de perruches, nous demandâmes à Alexandre comment il s'y était pris pour conquérir la belle Pétronille : il était visible qu'elle l'adorait.
— Mais, dit-il l'air surpris, de la façon la plus normal, je suppose. J'étais caché dans les roseaux à observer les canards, des bêtes très intéressantes, vous savez, quand Pétronille est passé tout près. J'ai bondi et je l'ai assommée d'un coup de gourdin. C'est bien comme ça qu'on fait ? demanda-t-il d'un ton inquiet.
Parfois les choses ne changent pas beaucoup. Ah ! L'amour courtois !


Le feu n'a pas servit directement à faire cuire la viande. Il fallut un léger incident pour découvrir que la viande rôtie était plus facile à manger. Mais quelle différence !
Roy Lewis a écrit:
La puissance élastique d'un muscle strié, qui avait imprimé à un gnou de trois cents kilos une vitesse de quatre-vingts à l'heure, vous fondait littéralement sur la langue. Ce fut une révélation.

Roy Lewis a écrit:
Par exemple, une nuit, je fus poursuivi par un lion pendant des heures. Quand je fus aux abois, je lançai mon javelot — devenu plus léger qu'un roseau. Pourtant il embrocha le lion comme il l'eût fait du gibbon rôti que j'avais mangé à souper, et d'ailleurs, étrangement, le lion était le gibbon aussi. Sur quoi, bien que mort, il me disait gaiement : « Enfin, Ernest, tu as fait quelque chose pour l'espèce ! Tu as supplanté l'animal-potentat ; les possibilités sont prodigieuses. Bien exploitées, elles mèneront la subhumanité aux branches les plus hautes de l'arbre évolutionnaire. Alléluia ! Alléluia ! Mes yeux auront vu venir la fin du pléistocène ! »
Je m'éveillai sous les étoiles, tremblant de sueur, cette voix familière encore dans mes oreilles. Depuis ce rire j'évite de manger du gibbon.
Peut-être les Homo erectus se droguaient-ils, mais ici ce n'est qu'un simple rêve dont on apprendra plus tard qu'il est à l'origine de l'invention de Dieu et de la religion.


Roy Lewis a écrit:
Quand le repas fut terminé, père se leva et prit la parole.
— Parents, compagnes, fils et filles ! commença-t-il. Je ne veux pas laisser passer cette heureuse et faste occasion sans en dégager, en quelques mots, la signification, sans passer en revue nos résultats passés et nos tâches futures. Ce soir, nous souhaitons officiellement la bienvenue aux charmantes demoiselles qui viennent partager, avec les quatre aînés de nos jeunes mâles, la vie de notre horde. Mais la portée de l'événement dépasse le simple accueil. Car leur arrivée parmis nous inaugure une nouvelle coutume : désormais le jeune pithécantrope ne prendra plus sa femme au sein de sa propre famille, mais il devra partir la conquérir dans d'autres hordes ; tandis que de leur côté les filles subhumaines quitteront père et mère pour suivre l'élu de leur coeur.
« Cette noble institution, n'en doutons pas, va libérer des énergies nouvelles, accélérer le rythme du progrès moral et matériel au sein des sociétés subhumaines. Je suis convaincu déjà qu'après cette magistrale expérience, si pénible qu'elle pût être au début, ceux qui l'ont faite n'ont eu qu'à s'en féliciter.
— Oui, oui, très bien ! approuvèrent à gauche Osward, Tobie, Alexandre et les femmes.
Père se tut un moment pour laisser le temps d'applaudir, s'inclina et reprit :
— Dans le domaine technologique, les résultats aussi sont en bonne voie. La production des outils de silex excède les plans prévus, et si leur amélioration reste encore un peu lente, elle est incontestable et continue. D'autre part, la maîtrise du feu constitue dans notre économie une véritable révolution, elle nous assure un avenir brillant et une arme invincible pour la suprématie mondiale.
— Hou ! hou ! scandaleux ! l'interrompit à droite l'oncle Vania.
La naissance des concepts de droite et de gauche ne datait pas, en fait, de la révolution française mais bien d'avant !


Voilà comment devrait être la science. Bon, je sais, on me l'a assez répété, je suis un naïf. Mais je continue à croire que l'égalité mène à la liberté et non l'inverse.
Roy Lewis a écrit:
— Je suis un homme de science, dit père d'un voix calme. Je considère que les résultats de la recherche individuelle sont la propriété de la subhumanité dans son ensemble, et qu'ils doivent être mis à la dispostion de tous ceux qui... eh bien... explorent où que se soit les phénomènes de la nature. De cette façon le travail de chacun profite à tous, et c'est pour toute l'espèce que s'amassent nos connaissances.
Je finirai donc sur cet extrait, plus politique que paléontologique mais qu'importe : il y a pour chaque bouquin des centaines de manières différentes de le lire.
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