Je ne suis malheureusement pas responsable de ce que je vais écrire. Je l'ai juste romancé ce matin (entre onze et quinze heures) pour ne pas vous livrer mon rêve presque incompréhensible, même pour moi.
Le titre est de moi
(le reste aussi, mais c'est moins volontaire...)L'esprit d'équipe
Parking de l'hypermarché de la Zone Industrielle.
Nous sommes deux ; nous attendons.
Nous avons été prévenu de l'organisation d'un colloque traitant des bienfaits des OGM qui doit se dérouler dans la galerie de l'hypermarché. Nous savons que deux camions de livraison doivent arriver, l'un contenant du maïs transgénique sur pied et le second, traiteur, à l'intérieur duquel se trouveront des tartes aux saucisses de Strasbourg, tartes elles aussi génétiquement modifées.
Le premier camion arrive. Il roule lentement, passe devant nous. Mon acolyte et moi sautons sur l'arrière du camion et nous y accrochons, bien décidés à entreprendre quelque chose. Mais alors que nous grimpons vers le toit du camion, une détonation se fait entendre à l'intérieur, nous projetant chacun à plusieurs mètres en arrière ; je me relève tant bien que mal, mais somme toute assez rapidement, le postérieur endolori et vais aider mon ami pour qui le choc semble avoir été plus violent ; nous nous rangeons près d'un distributeur de Caddies.
Pendant ces quelques secondes, le camion s'est arrêté, mais rien n'a encore bougé.
Un gros chauffeur moustachu descent alors du véhicule, visiblement en colère, mais aussi et surtout, surpris. Il ouvre le côté du camion et nous découvrons en même temps que lui quelques pousses rabougries et calcinées, mais rien en tout cas qui puisse rappeler des plants de maïs.
Le conducteur claque la portière et s'en va vers le magasin en laissant son fardier au milieu de l'allée.
Nous nous interrogeons du regard : nous n'étions vraisemblablement pas les seuls à avoir été mis au courant de ce rassemblement pro-OGM et nous n'avions à l'évidence pas les mêmes moyens mis en oeuvre.
Mais, arrivé à cette conclusion, le second camion apparaît dans une rangée de stationnement voisine à celle où nous nous trouvons. Il circule lui aussi au pas, nous permettant de l'atteindre sans forcer la marche, ce qui n'aurait pas manqué de nous faire remarquer dans le cas contraire.
Sans plus de précaution que pour son prédécesseur, nous nous agrippons à l'arrière du fourgon. Nous entreprenons d'ouvrir les portes arrières qui étrangement, cèdent à la première tentative sans qu'aucune explosion ne nous propulse sur asphalte de la route. S'offre alors à nous un spectacle dont seule les dimensions pharaoniques dépasse l'inintelligence et la bêtise. A défaut des nombreuses tartes attendues, nous découvrons une seule et gigantesque pâte feuilletée garnie de morceaux de saucisses. Tout le sol du camion n'est recouvert que d'une seule tartelette géante d'environ quatre mètres de long sur près d'un mètre et demi de large.
Sans nous attarder davantage, nous nous mettons à piétiner consciencieusement chaque centimètre carré de cette insulte écologique et alimentaire.
Alors que nous entamons la seconde moitié de surface piétinable, le camion qui roulait encore lentement s'arrête bien que son chauffeur ne l'ait pas conduit à sa destination.
Nous nous précipitons lourdement vers l'arrière du véhicule, englués dans cette bouillie transgénique.
Alors que nous sautons pieds joints sur le sol, nous entendons la porte du conducteur claquer. Nous nous retournons. A quelques mètres face à nous, un jeune homme nous regarde sans colère et nous laisse nous enfuir sans crier au scandale et ameuter les badauds.
De loin, nous l'observons refermer les portes arrières du véhicule, se réinstaller au volant et grignoter les quelques hectomètres qui le séparent de son point d'arrivée.
Nous ne restons pas immobiles plus longtemps et nous hâtons dans la galerie commerciale de l'hypermarché où doit se tenir la réception, déjà fortement contrariée.
Notre course vers la galerie nous a presque entièrement décrottée les chaussures et lorsque nous arrivons au lieu du congrès où se pressent les gens et se dressent les tables avec de grandes nappes en papier blanc, nous y retrouvons le conducteur moustachu en grande discussion avec un homme en costard.
M'appuyant sur une vitrine, à quelques pas de là, je laisse mon coéquipier de désobéissance se placer lui aussi à l'écart, de l'autre côté.
Arrive alors l'autre conducteur, le jeune, avec un chariot à roulette sur lequel se trouve la tarte OGM ou du moins ce qu'il en reste. En passant, il me regarde, me reconnait, mais ne dit rien.
Avec l'aide de son confrère, il place l'énorme plat sur une table. Je ne l'avais pas remarqué avant mais il s'est changé et il semble que se soit lui qui doive faire le service.
Il se place à mi longueur de la table et de la tarte. Il s'empare d'un grand couteau et déclare :
« Chers amis, est-ce normal de subir de tels vandalismes ? Les auteurs de ces actes scandaleux ne doivent plus avoir les moyens d'agir ».
Il prononce ces mots sans lever les yeux de la tarte, sans nous regarder ni mon compagnon, ni moi.
« Après le sept mai, Nicolas ne tolérera plus ça. Les racailles de ce genre, il leur portera les coups les plus fous, les plus forts.
« En attendant, la moitié de ce mets confectionné spécialement pour l'occasion est encore tout à fait consommable. Je vais la couper au milieu, juste sous le nez » dit-il en comparant la tarte à un visage dont le nez serait au centre.
Il se déplace d'un pas sur le côté et coupe la tarte en deux, cinquante centimètre sur la gauche de la partie piétinée.
« Et bien ! dis-je à voix basse, la tarte comme son candidat ont le nez bien bas ». Et joignant le geste à la parole, j'appuye avec mon index sur le dessus de mon nez. Ma grimace fait rire mon camarade.
Le jeune conducteur-serveur avec l'aide d'une autre personne déplace la part de tarte sur la table la plus proche de moi et il se place de manière à être face à moi.
Sans me regarder, il dit « Zoïles des OGM, je m'adresse à vous. Les plantes génétiquement modifiées sont l'avenir de l'aide alimentaire mondiale et du combat contre la sous-nutrition. A cause de vous et de la destruction de ce plant de maïs, les pays pauvres et notamment en Afrique vont subir vingt-cinq ans de famine supplémentaire ». J'entend comme un brin d'ironie dans le ton de sa voix ; je lui fais un doigt d'honneur. Il le voit et ajoute avec un demi-sourire « Normalement ».
Je m'approche alors de la table d'une allure décidée et tire d'un coup la nappe vers moi, faisant valser les verres, les couverts, les assiettes en plastique mais surtout ce qu'il restait de comestible de la tarte qui se retrouve face contre le carrelage de la galerie marchande.
Durant le silence qui suit mon geste, le jeune homme tend son bras vers moi, index et majeur levés : « Victoire ! »
Des pro-OGM un peu plus virulents que les autres tentent alors de nous attraper. Mon ami-piétineur nous a rejoint et quelques sympatisants cachés dans la foule se pressent pour nous aider, dont un grand costaud qui empêche deux envenimés de me refaire le portait façon tarte transgénique.
L'un de nous hurle : « Allez ! On se tire maintenant ! » Nous nous mettons à courir vers la sortie la plus proche, derrière nous. Une personne me crie de fermer les portes, grandes ouvertes. Je m'exécute : d'autres personnes nous pourchassent.
Nous sortons tous en brûlant le pavé et nous nous évaporons sur le parking.