La légende de sainte Radegonde
La sainte patronne de notre chère ville n'a pas eu une vie de plaisirs, c'est ce qui lui a valu sa canonisation. Mais il n'y a pas un seul martyre qu'elle a enduré contre son gré. Soyez masochistes, vous serez saints !
Son enfanceSon grand-père se nommait Basin, il était marié à Basine et était roi de Thuringe
. Ils ont eu quatre enfants, trois garçons et une fille (je précise car ce n'est pas évident d'après les prénoms) : Berthaire, Baderic, Hermenefrid et Ranigonde (ou Radegonde, car la tradition germanique était de s'appeler tous pareil dans la famille). Berthaire fut à son tour papa d'une petite Radegonde en 518 après J.C. et d'un fils dont l'histoire n'a pas retenu le nom. Hermenefrid, lui, fut père d'un certain Amalafrid, donc le cousin de la petite Radegonde, qui était un petit peu amoureuse de lui... mais elle était toute môme, et par la suite elle s'est bien repentie comme nous le verrons tout à l'heure !
Vous avez bien mémorisé tous les prénoms ? Bon, ça ne servait à rien, puisqu'ils se sont tous fait tuer treize ans plus tard (en 531, donc) par le roi de Soissons Clotaire. La jeune Radégonde, sans doute boutonneuse à cet âge, plut cependant à Clotaire, puisqu'il la garda en attendant qu'elle soit en âge de se marier.
Son adolescence Capturée par Clotaire avec son frère, elle fut placée à Athies dans un petit château rien que pour elle. Là, elle fut instruite par Fortunat (qui semble-t-il devint son confident, puisque c'est lui qui consigne la plupart de sa vie, principalement ce qu'elle fit en loucedé !). Elle devint chrétienne à ce moment, et lut toute la vie des saints et les Ecritures. Avec ce genre de modèles, une fillette de son âge veut forcément ressembler à ses héros, et comme le dit René Aigrain dans "sainte Radegonde" :
"Avec la belle ardeur que connurent, au temps de leurs premiers rêves, d'autres âmes privilégiées, elle souhaitait le matyre elle aussi". Mais tout le monde se moquait d'elle, parce qu'elle était trop pieuse pour faire une bonne future reine. Par exemple, elle donnait ses restes aux enfants des serfs, leur lavait le visage et organisait des processions enfantines dans son domaine (quels petits amusements de fous, mes amis !).
Sa fuiteComme elle rêvait de pureté et de virginité, elle ne voulait pas se marier à ce débauché de Clotaire (c'est la légende qui le dit !), qui en plus avait massacré ses parents. C'est pourquoi en 540 elle s'enfuit d'Athies, passe par Vitry-en-Antoin et se retrouve à Missy-sur-Aisne. Manque de pot, elle y est re-capturée par les soldats de Clotaire, et comme ce n'est pas loin de Soissons c'est dans cette ville qu'elle est mariée. On raconte que la nuit, elle fuit le lit conjugal et s'épuise en pénitences, qu'elle distribue aux pauvres toutes les richesses que lui offre Clotaire... Mais en fait ce serait moins par charité chrétienne que par pure aversion envers son mari. Mais comme elle est tout de même quelqu'un d'exemplaire elle se laisse faire et consomme le mariage.
Son entrée dans la religionEn 555, Clotaire fait assassiner le frère de Radegonde (vous vous souvenez, celui qui avait été capturé en même temps qu'elle, le dernier membre de sa famille Thuringienne). C'en est trop pour la pauvre dame, qui décide de partir pour toujours, maintenant qu'elle a une excuse. Elle part donc à Noyon se faire consacrer diaconesse par saint Médard. De là elle va à Tours pour se recueillir sur la tombe de saint Martin, puis à Saix car Clotaire lui avait offert un domaine là-bas. Elle guérissait les lépreux en cachette (parce que ne pas montrer qu'on est Bon, ça rajoute des points-martyr). En 557 elle apprend que Clotaire veut encore une fois la reprendre, alors elle fuit enfin vers Poitiers, accomplissant quelques petits miracles en route (dont le miracle de l'Avoine, sur lequel mes sources divergent mais si vous voulez je vous le raconterai plus en détail). C'est elle qui a fondé le baptistère saint-Jean, dans lequel
"pendant le Carême elle vivait recluse dans une cellule et ne prenait alors même pas de pain sauf le dimanche". (mais à lire tous les supplices qu'elle s'est infligé elle n'a pas dû manger de toute sa vie l'équivalent d'un crôuton)
Elle fait ériger le monastère sainte Croix, dont elle a rappelé à la vie le laurier qui y est encore. Là elle s'occupe de tout le monde, nettoie, bénit, et caetera. Tout le monde l'adore, elle guérit des incurables qu'on lui fait entrer par la fenêtre (car elle était cloitrée dans sa cellule sur sa propre volonté de pénitence).
Sa mortElle meurt le 13 août 587 à l'âge de 67 ans, après 35 années passées cloitrée à Poitiers. Sa plus grande peur était que l'on vienne chercher son corps pour l'inhumer comme une reine qu'elle était, mais elle fut placée dans un sanctuaire dans l'église sainte Marie, qui s'appelle depuis l'église Sainte Radegonde. Un an avant son décès, Jésus lui était apparu en rêve et lui avait dit qu'il lui réservait une place de choix auprès de lui.
Pour résumer, Radegonde a eu une vie de masochiste :
"blessée par le cilice rugueux, épuisée par les jeûnes continuels, meurtrie par le poids du fer, brûlée par les charbons et l'airain incandescents, a mérité sur la Terre la récompense du martyre et elle la possède dans les cieux" dit Hildebert de Lavardin. Et même
"sommeil sur la cendre, cilice porté à même le corps, travaux épuisants, jeûnes prolongés, sont trop peu de choses". Se pose alors la question
"est-ce louer Dieu que de martyriser ainsi le corps qu'il nous a donné ? La réponse est que seuls les saints peuvent comprendre combien le pêché de l'homme a besoin d'être expié, en union avec la souffrance de l'homme-dieu crucifié", toujours d'après le même. (puis-je faire une remarque personnelle : et si Jésus était mort d'épectase (au sens actuel !) ?)
Robert Favreau termine son ouvrage "Radegonde, de la couronne au cloître" par cette phrase :
"A vous maintenant de relire la vie de Radegonde pour trouver à son exemple votre chemin de vie"Sources : "Radegonde, de la couronne au cloître" et
"Poitiers, sainte Radegonde" de Robert Favreau
"Radegonde, reine moniale et sainte" de Jean Aubrun
"sainte Radegonde" de René Airain
Je regrette n'avoir trouvé nulle part mention de l'épisode contre la Grande Goule. Je vous posterai les détails des miracles de Radegonde au fur et à mesure, d'accord ?